|
|||||||
Qu'est-ce que la biologie évolutive ? | |||||||
L'objet de la biologie évolutive est de comprendre le monde vivant et son évolution. Elle étudie donc les forces évolutives (sélection naturelle, mutation, recombinaison, dérive, migration...) qui font changer les êtres vivants au cours du temps. C'est une science interdisciplinaire, qui se définit plus par les questions qu'elle pose et par les réponses qu'elle propose, que par les outils qu'elle emploie ou les espèces qu'elle étudie. La biologie évolutive se veut explicative, et non pas descriptive. Quelques questions classiques de la biologie évolutive:
|
|||||||
Version longue |
|||||||
L’évolution des espèces | |||||||
En
examinant les roches sédimentaires de nos montagnes, on trouve
facilement des restes d’animaux aquatiques, par exemple des coquilles
spiralées et curieusement ornementées (des ammonites, voir
figure) qui ne ressemblent à rien de connu. Les biologistes confirment
que ces animaux n’existent plus maintenant. La géologie permet
de dater la formation de ces roches : les couches les plus jeunes contenant
des ammonites ont 65 millions d’années.Entre temps, les continents
se sont déplacés, parfois en compressant les dépôts
marins, ce qui les plisse en créant des montagnes. Pour comprendre
ce qu’est un fossile d’ammonite et pourquoi il peut se rencontrer
dans une roche d’altitude, il faut ainsi l’intervention des
physiciens, des géologues et des biologistes.La reconstruction
de l’histoire de la Terre fait aussi appel à l’astronomie,
la chimie et toute une série de sciences spécialisées
(astrophysique, géophysique, géochimie, etc.). L’histoire de la vie sur la terre est aussi maintenant bien connue. Les ammonites ont disparu en même temps que les dinosaures. Les ancêtres des dinosaures ne savaient pas courir, et les ancêtres de leurs ancêtres, un groupe de poissons, ne savaient pas marcher. Oui, les êtres vivants dérivent les uns des autres : c’est ce qui explique leur ressemblance. Tous les animaux à mamelles -les mammifères- ont un ancêtre commun ; tous les vertébrés ont aussi un ancêtre commun, encore plus vieux. Il en est de même pour tous les insectes, tous les mollusques, etc. En regardant en détail au niveau moléculaire, on trouve des similitudes profondes entre toutes les espèces actuelles, de la bactérie à l’éléphant : cela indique l’existence, dans un passé très lointain, d’un ancêtre commun à tous les êtres vivants. |
|
||||||
L’évolution des espèces est une théorie qui
a eu du mal historiquement à s’imposer, du fait de la place
modeste qu’elle donne à l’espèce humaine, apparue
tardivement. La remise en question de cette
théorie, si elle était basée sur des arguments scientifiques,
impliquerait un bouleversement dans pratiquement toutes les autres sciences
actuelles: événement improbable étant donnés
les succès de la technologie moderne (par exemple aller sur la
lune), qui sont autant de preuves de la bonne adéquation à
la réalité des sciences de la matière.
On peut ainsi affirmer que, scientifiquement, l’évolution
des espèces est aussi certaine que l’existence de l’atome
ou des galaxies. |
|||||||
C’est principalement au niveau individuel que tout se joue.
Un insecte mieux camouflé sera moins détecté par
un prédateur, il va donc mieux survivre et pourra davantage va
transmettre
son aptitude particulière. Ses descendants feront de même,
et ainsi, dans la population, cette
aptitudepeu à peu augmenter en fréquence à chaque
génération, il y a évolution. Un
reptile qui reste actif plus longtemps que ses congénères,
lorsque la température descend, en parvenant à utiliser
un peu son énergie des muscles pour chauffer son corps, aura un
avantage considérable pour pouvoir se nourrir plus et donc mieux
se reproduire: peu à peu ce trait augmente dans la population à
chaque génération. C’est le début d’une
des évolutions (la thermorégulation) qui s’est produite
entre les reptiles et les mammifères (voir figure) il y a 250 millions
d’années. C’est en considérant les enjeux de survie et de reproduction qu’il est possible d’avoir une approche explicative, et non pas seulement descriptive, du monde vivant. Prenons par exemple la course rapide du lapin : pourquoi court-il plus vite que le renard ? Une première manière de répondre à cette question consiste à étudier la façon de courir de ces deux animaux, les longueurs des pattes par rapport à la taille et au poids, la musculature, les flux sanguins, etc., |
|
||||||
et d'expliciter les raisons anatomiques ou physiologiques avantageant
le lapin.Une autre manière de traiter la question est d'essayer
de comprendre l’intérêt qu'aurait chaque animal à
courir plus ou moins vite que l'autre. Apparemment, dans cette course,
les enjeux sont inégaux: le renard est à la poursuite de
son repas, qu'il pourrait éventuellement trouver ailleurs et avec
moins d'effort, alors que le lapin court pour sa survie. Les lapins les
moins rapides sont ainsi éliminés. Les renards qui se laissent
distancer par leur proie potentielle peuvent se rabattre sur des repas
plus faciles. Il y a ainsi un processus simple qui explique pourquoi le
lapin court plus vite que le renard. Cet exemple permet aussi d'illustrer la différence entre une cause proximale et une cause évolutive. Lorsque l'on cherche une réponse qui fait appel à des causes proximales, il s'agit d'une biologie descriptive et fonctionnelle : on se contentera de considérations anatomiques ou physiologiques pour répondre à la question sur la course comparée du lapin et du renard. Lorsqu'on cherche une réponse qui fait appel à des enjeux (par exemple la survie pour le lapin) ou à des processus, il s'agit alors de biologie évolutive. |
|||||||
La
biologie évolutive
D'une façon plus précise, la biologie évolutive prend en compte les forces qui agissent au sein des populations naturelles, traditionnellement nommées forces évolutives. Considérons les principales d'entre-elles. La mutation est une force évolutive responsable des nouveautés, au niveau des gènes ; elle agit aveuglément, et génère plus souvent des variants délétères que des variants bénéfiques. Elle provient des inévitables erreurs de copie des gènes d'une génération à la suivante. La sélection naturelle, énoncée par Charles Darwin en 1859, consiste en une reproduction différentielle associée à un trait transmissible. Prenons comme exemple –réel cette fois– les populations du moustique commun (voir figure) dans la région de Montpellier, qui vers la fin des années 60 ont commencé à subir des traitements insecticides massifs. Quelques années plus tard apparaît, par mutation, un gène permettant une légère résistance à l'insecticide: le moustique porteur de ce gène survit mieux et a donc plus de chances de se reproduire que les |
|||||||
moustiques non porteurs de ce gène ; il transmet ce nouveau gène
avantageux à sa descendance, qui présentera le même
avantage de survie et de reproduction. Par ce processus, ce gène
de résistance progresse et se retrouve, en quelques générations,
dans toute la population traitée. Entre temps, une autre mutation,
qui concerne un autre endroit du génome, génère un
variant très résistant. Ce deuxième gène de
résistance envahit aussi la population traitée, et les deux
gènes de résistance combinent leurs effets: ainsi, la résistance
augmente et les traitements insecticides deviennent peu à peu inefficaces...
Une résistance aux
insecticides se construit ainsi par sélection naturelle dans les
populations de moustiques traitées. Cette résistance est
une adaptation dans l'environnement traité aux insecticides: ce
trait y procure globalement une meilleure survie. Par contre, dans les
milieux non traités, les moustiques résistants sont très
peu performants: leur survie est médiocre, et leur reproduction
assez moyenne. La résistance y devient alors un trait mal adapté,-on
parle de maladaptation-, et c'est la "sensibilité" à
l'insecticide qui y représente une adaptation. Ainsi, une adaptation
n'est pas absolue, elle dépend de l'environnement. L'ensemble des
adaptations du monde vivant dérive de ce processus de sélection
naturelle, y compris la course rapide du lapin vis-à-vis de ses
prédateurs potentiels. |
|
||||||
Les
autres forces évolutives sont plus techniques, mais leur importance
dans certaines situations ne doit pas être sous-estimée.
Brièvement, il y a d'abord la recombinaison, qui
consiste en une réassociation des gènes entre eux, d'une
génération à la suivante. La recombinaison ne se
rencontre que dans les espèces présentant une reproduction
sexuée. Puis il y a la dérive, qui est une petite variation aléatoire de la fréquence des gènes d'une génération à l'autre, variation d'autant plus importante que la population est de faible effectif. Enfin, la migration, qui peut apporter des gènes ou des combinaisons de gènes nouveaux dans une population. Recombinaison, dérive et migration peuvent dans certaines situations s'opposer à la sélection naturelle, et expliquer des maladaptations. Ainsi, la présence de moustiques résistants dans les lieux non traités aux insecticides s'explique par la proximité géographique de la zone traitée, et donc par la migration, qui entretient cette maladaptation. |
|||||||
Le problème des organes complexes. Est-il possible que le mécanisme simple de la sélection naturelle puisse seul expliquer l’apparition d’organes complexes, comme une aile d’oiseau, un sonar de chauve-souris ou un œil de vertébré ou d'insecte (voir figure)? Il est bien évident que plusieurs étapes sont nécessaires, et que chacune doit présenter un avantage sur la précédente. Cette condition est facilement remplie : un myope est mieux équipé qu’un aveugle. Tous les organes complexes possèdent des stades intermédiaires dont les performances sont supérieures à celles des stades précédents: il est alors facile de trouver le chemin, construits par la sélection naturelle, décrivant l’évolution de l’organe d’abord rudimentaire vers un état plus complexe et plus performant. L’impression de plan de construction à long terme, qui semble apparaître dans la complexité de certains organes, n’est qu’une illusion : à chaque étape, la sélection naturelle exerce un tri sans but. C’est la direction de la sélection dans une même direction qui conduit à des organes qui forcent l’admiration, comme l'oeil ou le sonar des dauphins. |
|
||||||
D’ailleurs, les scientifiques ne s’y trompent pas
: ils utilisent maintenant le principe de la sélection naturelle
à l’aide de simulations afin de trouver des solutions à
des problèmes complexes. Mais ils ne se contentent pas
d’imiter le processus de la sélection naturelle : ils copient
également le résultat. Lorsque la sélection naturelle
a été dans une même direction pendant un temps suffisamment
long, cela aboutit à des adaptations dont certains aspects sont
particulièrement optimisés ; copier directement ces adaptations
semble alors bien plus économique que tout autre processus ou planification
d’ingénieur. Les exemples abondent, citons la coquille des
ormeaux, dont le principe de la très forte résistance à
la cassure a été élucidé : il est actuellement
copié et adapté dans le but de concevoir des matériaux
bien plus résistants que ceux qui sont actuellement fabriqués
par l’homme. La biologie évolutive correspond à une façon de poser des questions en biologie, afin de comprendre, d'un point de vue dynamique, comment s'explique une situation observée. Tout trait d'une espèce peut être abordé de cette façon, pourvu qu'il soit variable, qu'il ait une histoire, et qu'il se retrouve, parfois sous une forme légèrement différente, dans les générations précédentes. De nombreux traits humains entrent dans cette catégorie: le livre Cro-Magnon toi-même! en traite quelques-un. ----[Haut de page]---- |
|||||||